Pourquoi existe-t-il un décalage économique entre Haïti et la République Dominicaine ? (Suite) de Mercier Joseph PIERRE| JobPaw.com

Pourquoi existe-t-il un décalage économique entre Haïti et la République Dominicaine ? (Suite)




La dernière publication (Pourquoi existe-t-il un décalage économique entre Haïti et la République Dominicaine, Réf : Nouvelliste # 38067 du 30/04/09), a été exclusivement consacrée à une succincte comparaison entre Haïti et la République voisine sur le plan (i) de la bonne gouvernance et (ii) du renforcement institutionnel. Tel qu’il a été annoncé, cette publication est la continuité de la comparaison, cette fois-ci, par des différences en (i) Potentiel écologique et (ii) en zones franches.




En publiant ce troisième article, nous aimerions introduire une succincte présentation du travail et, surtout, répondre à une question (trop récurrente) qui est celle-ci : Quel est l’objectif de ces publications ?



En réponse, nous dirions que ce travail est exclusivement académique et doit-nous aider à cerner certains facteurs (causes) qui expliquent le devancement de la République voisine par rapport à Haïti. Ainsi, nous essayons de rapprocher certains indicateurs (macroéconomiques) des deux économies et de cibler (via les publications officielles, les Rapports annuels, les lois, les décrets et autres) les avantages comparatifs de chaque partenaire. Ce travail (loin d’être une apologie de l’une des économies), est une tentative de nous situer, d’une part, par rapport à la République voisine, et d’autre part, par rapport aux autres états caribéens.





Nous partageons ce travail en trois parties. Dans la première partie (telle que je l’ai fait dans la précédente publication), nous avons essayé de rapprocher les indicateurs macro-économiques des deux pays. Par exemple, dans les publications du 17 et 30 Avril 2009, nous avons mis en valeurs le décalage économique en identifiant certains discriminants comme la bonne gouvernance et le renforcement institutionnel.



Dans la seconde partie, nous aimerions situer ce décalage économique à travers ce qu’on aurait appelé : ‘’la Gouvernance Budgétaire’’. Ainsi, nous essaierons de répondre aux questions classiques que posent les spécialistes en finance publique, à savoir (i) ‘’Que gagnent les deux états comme recettes fiscales?’’; (ii) ’ Comment les comptabilisent-ils ? et (iii) ‘’Comment ces recettes sont dépensées ?’’. par conséquent, nous comparerons leurs Administrations fiscales en ciblant celles qui sont au back office (dont la Direction du Budget) et celles qui sont au Front office (dont la DGI, la Douane). Nous nous intéresserons aussi aux systèmes (droits budgétaires) des deux États et, pour répondre à la dernière question, nous essaierons de situer les décalage à travers des dispositifs qui sont mis en place en matière de Procédure de Passation en Marché (tel la mise en place du Code de Marché public). Par exemple, les recherches nous révèlent déjà qu’en République voisine, il existe des dispositifs portant sur la Programmation Pluriannuelle du Budget et, récemment, l’Assemblée nationale a introduit une Loi, faisant obligation à l’Etat de radier les déficits budgétaires, enregistrés en cycle budgétaire N-1. Dans la troisième partie, nous ferons une succincte comparaison des deux systèmes financiers. Maintenant, abordons le décalage à travers des différences en potentiel écologique et en zones franches.





Différence en potentiel écologique entre Haïti et la République Dominicaine



Depuis 1998, les statistiques de la Secrétairerie d’État à l’Environnement et aux Ressources Naturelles (SEMARENA), créée par la loi 64-00 du 18 Août 2000, a fait état d’une couverture forestière d’environ 28% (13,267.0 Km2) en République voisine; cette couverture vaut 48% du territoire haïtien. Pour Haïti, la Couverture forestière a été d’environ 2% car 70% des besoins énergétiques du pays dépendent du bois de feu et du charbon de bois.



Ensuite, en République voisine, 71,8. Millions d’arbres ont été plantés entre 1990 à 2004 selon le même rapport de la SEMARENA contre 114 millions d’arbres pour la période allant de 1972 à 2004. En Haïti, la tendance est plutôt inverse puisqu’environ 20 millions d’arbres sont abattus annuellement. Curieusement, rappelons que selon une étude, menée en novembre 2006 par le Ministère de l’Économie et des Finances via les Programmes de substitution au charbon de bois et le Programme national de reboisement, 30 millions d’arbres sont abattus annuellement. Dans le tableau ci-dessous, nous dressons un tableau comparatif des activités de plantation et d’abatage d’arbres dans les deux États (nous retenons 20 millions pour Haïti).







Comme vous l’avez constaté, la surface en dessous du graphe, représente la perte annuelle en végétation (20 millions d’arbres). Nous l’interprétons comme un marché, avec un flux financier brut d’environ 10 millions USD, en admettant que le prix moyen d’un arbuste est à 0.50 USD (20 HTG). A notre avis, ce marché est encore sous-exploité en Haïti et dans ce créneau cohabitent nombres d’agents potentiels tels (i) les bailleurs et les associations engagées dans la protection environnementale, (ii) les ménages et (iv) l’État lui-même. Annuellement, trois notifications de marché, liées au programme de reboisement, sont émises par certains Ministères et des bailleurs de fonds.



Par ailleurs, cette demande pour le ‘’Produit vert’’ est fortement latente dans certaines Collectivités locales, sensibles aux Programmes portant sur l’Aménagement du Territoire communal. Comme cela se fait ailleurs, (États latino-américains et d’Afrique de l’Ouest), la création de ‘’MEDAILLE FORESTIÈRE’’ (par le Ministère de tutelle), dans chaque Commune pourrait inciter le reboisement a grande échelle et entraîner la création d’entreprises. Cette motivation au reboisement national pourrait s’introduire dans des programmes, liant plantation d’arbuste aux récompenses. On peut retenir : (i) BIDONVILLE VERTE (pour qu’au moins un arbuste soit planté dans une bidonville) , (ii) TRANSFERT VERT (pour qu’au moins un compatriote de la diaspora puisse planter un arbuste en Haïti). Bref : nous voulons simplement mettre en valeur ce MARCHÉ VERT.



D’une autre vue, les différences en potentiel écologique peuvent être validées par le total des réserves naturelles dont disposent les deux états. En effet, en République voisine, environ 21.3 % de la superficie du pays est classée comme réserve naturelle. Pour Haïti, cet indicateur n’est pas disponible. Nous reportons ce décalage à travers le tableau ci-dessous.

Tableau comparatif en réserves naturelles

Répartition de réserve naturelle République Dominicaine Haïti

Réserves Forestières 17 2

Parcs Nationaux Marins 3 Données non disponibles

Réserves Scientifiques 6 NA

Sanctuaires pour les Mammifères Marins 2 NA

Réserves Faunistiques 13 Données non disponibles

Routes Panoramiques 7 Données non disponibles

Parcs Nationaux 20 Données non disponibles

Total 62



Sources des données : statistiques de la SEMARENA http://www.parks.it/world/DO/Findex.html,

http://www.medioambiente.gob.do/cms/,



Finalement, une bonne compréhension du décalage écologique, entre Haïti et la République voisine, pourrait être expliquée via le répertoire réglementaire (Lois, Décrets, Résolutions, Traités internationaux) dont disposent les partenaires en matière de protection naturelle. En effet, depuis les quatre décennies (de 1970 à 2008), nombre de mesures, portant sur la protection environnementale, ont été adoptées dans les deux États toutefois, les résultats divergent lorsqu’on dresse un bilan écologique en 2008.



Pour certains, les différences en couverture forestière sont foncièrement liées aux revirements politiques, ayant marqué les deux pays sur la période sous étude. Par exemple, après Juan Bosch en 1966, Balaguer s’est surtout différencié par des mesures portant sur ‘’la protection environnementale’’ alors qu’en Haïti, les dispositifs politiques se sont plutôt axés sur la conservation du pouvoir (J. DIAMOND, 2006)



Au clair, une revue chronologique des lois et décrets, adoptés sur la période allant de 1966 à 2000, annonçait déjà le destin écologique que connaîtraient les deux États à l’heure contemporaine. Ci-dessous, nous reportons quelques lois et décrets qu’ils ont adoptés sur la période.

En République voisine, les grandes mesures furent :

ü Loi No. 4371, déclarant la reforestation d’intérêt national,

ü La loi 67 du 29 octobre 1974 créant la Direction Nationale des Parcs,

ü La loi 112-87 du 10 décembre 1987 rendant obligatoire le service forestier,

ü Loi 118-99 du 23 décembre 1999 créant le ‘’Code forestier’’,

ü Loi 123-1971 interdisant l’exploitation des cotes maritime,

ü Loi 295 du 28 Aout 1985 qui inclut dans le programme d’Éducation Nationale des enseignements portant sur la protection environnementale ;

Une bonne compréhension du potentiel écologique de la République voisine (par rapport à Haïti) peut être confirmée dans le Rapport annuel de 2008 de la Secrétairerie d’État à l’Environnement et aux Ressources Naturelles (SEMARENA), spécialement via les pages 111 ; 112 ; 120 ; 126 ; 131, et 135. (Ce document est disponible sur : http://www.medioambiente.gob.do/cms/archivos/memorias/memoria-2008.pdf )



En Haïti, les grandes mesures portant sur la protection environnementale ont été les suivantes :

ü Le décret de novembre 1995, créant l'Unité des gardes de côte,

ü L’article 36-5 de la Constitution de la République d’Haïti 1987,

ü Décret-loi du 27 octobre 1978, réglementant la pêche,

ü Décret du 6 avril 1977, fixant la limite des eaux territoriales et de la zone économique. Ce décret correspondait à la ratification de l’Accord de sur la délimitation des frontières maritimes entre Cuba et Haïti, puis la délimitation des frontières maritimes



Dans ce même ordre d’idée, on peut évoquer d’autres dispositions ultérieures dont les impacts peuvent être encore mis en question. D’une part, le Décret du 15 février 1965, accordant à l’État le monopole de l’importation et de l’exportation des produits de pêche et, d’autre part, le Code Rural (réf : Loi du 24 mai 1962), établissant le régime des eaux, de l’irrigation et du drainage des eaux de Surface. Un inventaire de ces lois est disponible dans la publication de l’UNESCO sur Haïti, titré ‘’Lois relatives à l’environnement côtier et à la pêche en Haïti’’. (Chapitre 2)



Conséquemment, le rappel des précédents dispositifs doit nous aider à répondre à la question suivante : quel est le rôle du potentiel écologique dans le développement touristique ?



En fait, nombre d’études ont été menées sur le Tourisme caribéen (Enquête du ‘’Carribean Tourism Organization ‘’ (CTO) de 2008 : CARIBBEAN TOURISM ORGANIZATION/

VISITOR SURVEY, enquête de l’INSEE en 2007 sur le Tourisme d’outre-mer) révèlent que le cœur de ce tourisme est d’abord (i) le climat et, ensuite, (ii) la nature. (Nature berce-le chaudement car il a froid, pour faire Rimbaud).



Dès lors, on comprend aisément qu’avec les potentiels touristiques cités ci-dessus, la République voisine, s’est mieux positionnée dans la Caraïbe qu’Haïti. Les indicateurs ci-dessous confirment ce positionnement.



Selon les données de 2008, fournies par la Banque Centrale de la République voisine, 42% des flux d’Investissements Directs Etrangers on été injectés dans le secteur de la Construction, dont le dynamisme est fortement lié au Tourisme. Entre 1990 à 2007, le potentiel de réception touristique est passé de 19 à 66 mille chambres. Pour la même période, le taux d’occupation est passé de 53% à 73% (le plus élevé dans la Caraïbe). Selon la même base des donnés de 2008, 4,4 millions de Touristes se sont rendus en République voisine pour une durée moyenne de séjour de 9.3 nuitées. Le taux d’occupation a été de 70.4% pour un total d’environ 66 mille chambres. Les dépenses touristiques, se sont élevées à 4.1 milliards de dollars américains et l’indice de satisfaction (possibilité de retour) a été de 88%, selon les statistiques de 2007. Ci-dessous, nous reportons l’évolution du potentiel touristique (en total de chambres d’hôtel) par rapport aux Investissements Directs Étrangers dans le secteur touristique, sur la période allant de 1999 à 2008







Sources des données : bases des données de la Banque centrale de la République Dominicaine.

Selon le graphe, la croissance du potentiel touristique (accroissement des chambres d’hôtel) semble inélastique aux Investissements Directs Etrangers. Par exemple, entre 1999 à 2000, le total de chambres est passé de 49,623 à 51, 916 chambres tandis que les IDE ont baissé, en passant de 296.9 à 73.7 millions de dollars américains. Le cas est analogue entre 2002 à 2003. En effet, la croissance de ce secteur est aussi lié à d’autres facteurs, tels (i) les concours de l’état aux opérateurs touristiques (dont le Fond officiel pour l’encadrement du Tourisme), (i) le marketing plus proactif, (iii) l’augmentation de l’enveloppe budgétaire au secteur touristique, (iv) les investissements privés etc.



Les précédents indicateurs de 2008 ne sont pas encore disponibles pour Haïti toutefois, nous pouvons rapprocher l’évolution des secteurs de construction des deux pays, sur la période allant de 1999 à 2007. En effet, de part et d’autre de la frontière, l’évolution de ce secteur est fortement lié (i) au dynamisme du Tourisme local, (ii) aux renforcements du système foncier, (iii) aux facilités du crédit bancaire (Crédits à l’immobilier/au logement) et surtout (iv) aux flux des Investissements Directs Étrangers. Conséquemment, on remarque qu’en Haïti, les flux dans ce secteur (Bâtiments et Travaux publics) demeurent quasi stable sur la période (flux moyen : 961 millions HTG) alors qu’en République voisine, ils fluctuent fortement (flux moyen : 12,832 millions $RD). Ceci insinue la forte dépendance de ce secteur par rapport aux facteurs précités (Nous aborderons ce as ultérieurement). Voir tableau ci-dessous.







En terminant cette partie, il importe de remettre en vue la préoccupation centrale qui a amené ces comparaisons, à savoir ‘’Pourquoi existe-il un décalage économique entre Haïti et la République Dominicaine ?: En fait, comme vous l’avez constaté, il est facile de procéder, à rebours, dans une suite interminable de questions et de réponses du genre :

‘’Pourquoi existe-il un décalage économique entre Haïti et la République Dominicaine ?: (réponse : parce que la République voisine reçoit plus d’investissements Directs étrangers) ;

(ii) Pourquoi la République voisine reçoit-elle plus d’investissements Directs Etrangers ?

(Réponse : parce qu’elle a un régime politique stable et une plus grande couverture forestière qu’Haïti) ;

(iii) Pourquoi elle a un régime politique stable et une plus grande couverture forestière ? (réponse : parce qu’il y a un problème d’hommes entre les deux États)

(iv) Pourquoi il y a un problème de vision entre les deux États ?



Cette dernière question renvoie aux mystères, d’ordre ontologique, qui cimentent les deux sociétés et que seuls les sociologues et philosophes peuvent déchiffrer (Les philosophes traitent les énigmes sociales, dit Bergson).



Vous l’avez bien compris, en évoquant ce qui se fait de l’autre coté de la frontière, nous sommes en train de rapporter que des potentiels touristiques sont sous-exploités en Haïti. Dès lors, nous sommes en droit de nous demander ceci :(i) que serait Jacmel si son potentiel touristique avait été mis en valeur ? (ii) où seraient Pestel, Port Salut et Port Margot, si leurs potentiels touristiques avaient été exploitées ?



Au reste, le débat écologique pourrait être abordé autrement et, cette fois-ci, d’une vue portant sur le bien-être. Vous le savez déjà ‘’La Nature, c’est la Santé’’. Disons-le autrement ‘’ La végétation (les arbres) pourvoit au bien être social’’. Au clair, la dégradation naturelle (déboisement effréné) détériore le bonheur social et, dans le cas d’Haïti, nous sommes en droit de nous demander curieusement (i) que peuvent révéler les statistiques médicales sur les maladies cardio-vasculaires et quelle est son évolution durant les deux dernières décennies ? Quelles sont leurs liens avec la dégradation environnementale ? (ii) combien d’haïtiens souffrent-ils de migraine chronique ? (iii) Combien sont ceux qui souffrent d’étouffement accéléré ? (la chaleur étouffe, dit-on chez nous) ? (iv) combien sont les hyper/hypotendus ? La dégradation environnementale reflète notre état sanitaire, dirait un environnementaliste.



Donc, il y a matière de soulever un grand débat écologique autour du tripe-type : bien-être social (santé)ÞInvestissement Direct Étranger (Argent)ÞReboisement (végétation). Abordons maintenant le décalage ne matière de potentiel en zones franches.





Différence en potentiel des Zones Franches



Avec le regroupement du grand marché de la CARIFORUM (avec l’Accord de Partenariat Economique-Union Européenne), les Zones Franches deviennent une voie incontournable en matière de compétitivité commerciale. Quant aux deux pays en question, elles constituent, (avant la ratification dudit Accord), le principal relai entre les industries locales et les grands marchés externes. Toutefois, le potentiel des zones franches diffère entre les deux pays.



En République voisine, selon les données de 1995 à 2007, les zones franches contribuent en moyenne à 78% des flux d’exportations (exportations totales des Z.F dominicaines = 4,56 milliards de dollars américains en 2007). Selon le Rapport de la Direction des Zones Frances de 2007, ce territoire détenait 53 zones franches avec un total de 526 entreprises. Ces 53 Z.F ont une superficie avoisinant 182, 886,935 pieds2 (environ 1,700ha » 2,193 carreaux de terre (avec : 1 pieds carré = 107, 639.10 ha et 1 ha = 1.29 carreau de terre). En 2007, le cumul des investissements, injectées dans les zones franches, totalisait 2.5 milliards de dollars américains, dont 991 milliards provenaient des Etats-Unis, selon le même rapport.



En Haïti, les productions textiles (concentrées dans la SONAPI), sont les principales composantes de l’industrie manufacturière qui, elle-même, finance les exportations à plus de 80%. Selon les données fournies par la Direction des Zones Franches, Haïti ne détient que deux (2) zones franches pour une superficie totale de 100.44ha » 129.50 carreaux de terre (à suivre………..)






Rubrique: Economie
Auteur: Mercier Joseph PIERRE | mercierjo@yahoo.fr
Date: 10 Juin 2009
Liste complète des mémoires et travaux de recherche