Reconnaissance des acquis et des compétences en Haïti, un enjeu électoralde Ronald Estrade| JobPaw.com

Reconnaissance des acquis et des compétences en Haïti, un enjeu électoral


Peu de temps après la victoire aux élections et l’accession au fauteuil présidentiel, il va falloir diriger le pays et s’arranger pour fournir un meilleur bilan que celui du dernier président en poste. En priorisant dans son programme la Reconnaissance des acquis et des compétences en Haïti, le président ou la présidente élu (e) favorisera le dépôt d’une loi organique. Cette loi définira les structures et favorisera la construction des Centres de Reconnaissance des Compétences (CRC) à travers les 10 départements du pays. Et ces CRC pourront déterminer les compétences maîtrisées et souligner la formation manquante à acquérir. Ce qui favorisera la formation continue de tous les habitants du pays.
Reconnaissance des acquis et compétences en Haïti

Avec le vieillissement de la population et les mutations technologiques, la reconnaissance des acquis et des compétences est devenue de plus en plus importante à travers le monde. Que ce soit localement ou au niveau international, la reconnaissance de ses compétences est un moyen idéal d’avoir un diplôme ou de compléter un parcours déjà commencé. En entamant ce processus, l’individu se fait reconnaitre par le Ministère de l’Éducation de son pays ce qu’il sait faire et ses années d’expériences professionnelles sont reconnues. Ce qui permet à l’État d’instaurer ses normes par le biais d’une population plus qualifiée. Quand j’ai immigré en Amérique du Nord en 1985, j’ai dû recommencer mes études pour favoriser ma stabilité professionnelle. De nos jours, mes chances seraient différentes grâce à la reconnaissance des acquis et des compétences en formation professionnelle et technique mis en vigueur depuis bientôt une dizaine d’années au Québec (Québec, 2002). D'ou mon intérêt pour ce sujet particulier. Ainsi, j’ai été fort heureux de voir ce thème figurer dans le débat qui oppose les deux candidats à la présidence Madame Mirlande Manigat versus Monsieur Michel Mertelly à l’occasion du lancement officiel de la campagne électorale pour le second tour des élections présidentielle et législatives.

Selon un article du journal Le Nouvelliste, Madame Manigat du RDNP, fait la promotion de : «La valorisation des acquis d'expérience» (Geffrard, 2011). Si je faisais partie du camp opposé (Repons Peyizan) et responsable de l’éducation, je me mettrais vite au travail. En effet, la responsable du RDNP a parfaitement raison, en Haïti, une faible minorité possède un diplôme ou un certificat dans un domaine technique ou professionnel. Pour compliquer un peu plus la situation du citoyen moyen, la durée et les niveaux de formation sont différents que ce soit au public ou au privé.

La formation des ouvriers et employés dispensée par les CM ou CFP exigent un niveau d’alphabétisation de base. La durée et les niveaux de formation sont variables; les EEP où l’accès est possible à l’issue de la sixième année de l’école fondamentale. La scolarité dure trois ans et est essentiellement pratique; la formation des techniciens s’effectue dans les EET où l’accès est possible à l’issue de la neuvième année de l’école fondamentale. La scolarité dure trois ans et la formation est à la fois pratique et théorique (République d’Haïti, 2004, p. 14).

Mais cette réalité fait partie des prescriptions de la réforme entreprise depuis plus de 20 ans au pays. Que ce soit au public ou au privé, les problèmes sont communs en formation professionnelle et technique: manque de matériel didactique et pédagogique, formation inadéquate des enseignants, conditions de travail inappropriées, manque d’encadrement scolaire, inadéquation entre les formations et les réalités du marché du travail, etc. En Haïti, jusqu'à l'avènement de la plus récente réforme, les programmes d'études en formation professionnelle étaient axés sur les connaissances. «De plus, l'approche méthodologique passe de la pédagogie par objectifs à l'approche par compétences» (Ibid., p. 11). Les programmes d'études en Formation Professionnelle et Technique (FPT) d'Haïti font l'objet d'une profonde restructuration. En effet, plusieurs experts estiment qu'il y a une inadéquation entre la formation professionnelle et le marché du travail. Cette situation reflète des lacunes dans la formation initiale des enseignants de la formation professionnelle et une mauvaise adaptation des étudiants à la réalité du monde du travail (Cadre de Coopération Intérimaire, 2004).

Au cours de l'année 2009, des experts et des spécialistes de contenus, mandatés par l'ACDI et d'autres institutions internationales, analysent la situation du marché du travail (tâche, activités et contexte) et tentent de redresser la situation dans les Centres de Formation Professionnelle en utilisant une institution modèle. Néanmoins,

L’État a déployé beaucoup d’efforts en vue de pourvoir les écoles en matériels didactiques et pédagogiques notamment en manuels scolaires. […] Les responsables d’État en ont fait l’une des priorités. […] Pour un taux d’encadrement de 35.58 élèves par maître en 1994, on est passé à 33.41 élèves par maître en 1998. Toutefois, ce taux est passé à 35 en 2003 (République d’Haïti, 2004, p. 12 à 15).

Ces analyses de la situation permettaient d’espérer avant le tremblement de terre une amélioration dans la réalité de l’éducation globale en Haïti mais une reconnaissance des acquis en 2011, favoriserait l’émergence de l’économie. En effet, la Reconnaissance des acquis et des compétences permettra l’obtention d’un document officiel qui soulignera clairement l’ensemble de ses compétences par rapport à un programme d’études ou d’une partie de celui-ci et augmentera du même coup son employabilité.

En permettant aux travailleurs œuvrant dans les domaines spécialisés de faire reconnaître leur capacité et leur aptitude, Madame Manigat ouvre la porte à une amélioration du système éducatif, du monde du travail et le renforcement de l’économie en général. Car si l’État valorise les expériences professionnelles, il vérifie également les compétences spécifiques de chacun par rapport à un programme donné et régule le marché du travail en imposant de normes nationales sur tout le territoire. Il est admis que les normes de construction minimales n’ont pas été respectées et que cela a augmenté grandement le nombre de victimes durant le séisme du 12 janvier 2010 (Pierre de Chartenay, 2011).

Ainsi si je travaillais pour le camp de Monsieur Martelly, j’irai un peu plus loin en obligeant la publication des normes nationales, en préparant des moyens pour les rendre accessibles, les faire respecter et en engendrant dans le secteur de la reconnaissance des acquis un partenariat avec les membres de la diaspora travaillant dans le secteur de la formation professionnelle. Car il faut impérativement augmenter au plus vite la productivité du pays et assurer un niveau de vie acceptable à l’ensemble des Haïtiens. Comme le soulignent Guichard et Huteau (2007), le capital humain associé au capital physique permet la production de richesses et favorise le développement de l’économie. Au niveau du capital humain, l’implantation des aptitudes productives des individus comme leurs qualifications et leurs compétences sont du domaine de l’éducation et de la formation professionnelle en particulier. Ce qui permettra d’adopter de meilleures méthodes de travail et d’engendrer du même coup un regain économique.

Comme je ne travaille pas pour aucun des deux candidats en compétition, j’espère que ce secteur sera priorisé par le prochain chef d’État. Car peu de temps après la victoire aux élections et l’accession au fauteuil présidentiel, il va falloir diriger le pays et s’arranger pour fournir un meilleur bilan que celui du dernier en poste. En priorisant dans son programme la Reconnaissance des acquis et des compétences en Haïti, le président ou la présidente élu (e) favorisera le dépôt d’une loi organique. Cette loi définira les structures et favorisera la construction des Centres de Reconnaissance des Compétences (CRC) à travers les 10 départements du pays. Et ces CRC pourront déterminer les compétences maîtrisées et souligner la formation manquante à acquérir. Ce qui favorisera la formation continue de tous les habitants du pays. Il faut noter qu'actuellement la société haïtienne dans son ensemble subit les contrecoups de l'inefficacité de la Formation Professionnelle et Technique :

La stagnation de l'économie est indéniable. [Il faut] offrir la possibilité aux jeunes de se former, de leur permettre de s'intégrer sur le marché du travail ou de créer leur propre entreprise (Association pour la promotion de l’éducation et de la formation à l’étranger, 2004, p. 27).

Au-delà des ressources de l'État, et pour l'analyser sur un plan plus personnel, on peut dire que toute formation continue est conçue pour valoriser la fierté des participants. C’est pourquoi, j’avais créé Fetpaw (www.fetpaw.com) dans le but de faire de la formation et de l’encadrement technique au sein de la diaspora et en Haïti.

Un Centre de Reconnaissance des Compétences serait sous la tutelle de l’Institut National de Formation Professionnelle (INFP) et compte tenu des capacités limitées de cette institution, il compterait un certain nombre d’experts ou de consultants (nationaux ou internationaux reconnus dans leurs milieux professionnels). Ces derniers pourront analyser, puis valider les compétences des candidats via une entrevue, selon une approche personnalisée et accessible. La personne désirant une reconnaissance pourra préparer un dossier comprenant un outil d’autoévaluation, son curriculum vitae et son portfolio (relatant ses expériences professionnelles et des références de travail). Grâce au dossier du candidat et un questionnaire, les experts pourront confirmer ou infirmer les compétences (partiels ou total), faire passer des examens de sanction (via des outils d’évaluation officiels) et recommander s’il y a lieu des formations additionnelles pour l’obtention d’un diplôme. Ce Centre à l’instar du Plan National d’Éducation et de Formation (PNEF) du Ministère de l’éducation Nationale comporterait six séries :

 La série Sciences et Techniques Industrielles avec ses quatre sections de l’industrie (électrotechnique, électronique, génie mécanique et maintenance, bâtiment et construction);
 La série Sciences et Technologies Tertiaires avec ses deux sections (gestion / comptabilité et secrétariat bureautique).
 La série Sciences et Technologies du Développement Rural avec ses deux sections (agriculture et élevage);
 La série Sciences et Technologies Médico-sociales;
 La série Sciences Informatiques;
 La série Pédagogique.

Beaucoup de personnes vivant dans la diaspora, rêve d’un moyen d’aider leur pays et ce Centre de Reconnaissance des Compétences serait un outil idéal pour faciliter la réunion des Haïtiens du pays et d’outremer.

Ainsi, je constate que malgré les difficultés en Haïti, une élection est un moyen efficace pour jeter certaines bases de développement économique durable.

En attendant mon prochain article, vous pouvez également vous poser les questions suivantes :
 Quels options provenant du programme des deux candidats serait d’après moi bénéfique pour le progrès économique de mon pays?

 Quel détail de cet article m’a fait réfléchir le plus?

À la prochaine.


BIBLIOGRAPHIE

Association pour la promotion de l’éducation et de la formation à l’étranger. (2004). Rapport d'Activités de Apefe. Bruxelles : Apefe.

Cadre de Coopération Intérimaire. (2004). Groupe Thématique d'Éducation, Jeunesse et Sport. Port-au-Prince: CCI Haïti.

Geffrard, R. (2011). Mirlande Manigat dévoile ses priorités. Le Nouvelliste, http://www.lenouvelliste.com/ (page consultée le 17 Février 2011).
Guichard, J. et Huteau, M. (2007). Orientation et insertion professionnelle 75 concepts clés. Paris: Dunod.
Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation (2002). Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue. Québec.

Pierre de Chartenay, S. J. (2011). Haiti, plaie ouverte de l’humanité. Éditeur S.E.R.

République d’Haïti. (2004). Le développement de l'éducation, Rapport national d'Haïti. Port-au-Prince : Ministère de l’Éducation Nationale, de la jeunesse et des sports.




Rubrique: Education
Auteur: Ronald Estrade | restrade@hotmail.com
Date: 21 Fév 2011
Liste complète des mémoires et travaux de recherche