S'inserer dans la Globalisation au -dela du discours anti-neoliberalde Jean Garry Denis| JobPaw.com

S'inserer dans la Globalisation au -dela du discours anti-neoliberal


Paru dans le Journal « Le Matin » du Lundi 4 aout 2008

Comment s’insérer dans la globalisation au-delà du discours anti néolibéral

Les dernières manifestations violentes qui ont abouti au renvoi du gouvernement de Jacques Edouard Alexis par le Sénat ont démontré la profondeur de la crise économique dans un contexte international marqué par le surenchérissement des prix du pétrole et des matières premières, tant minière qu’agricoles.


Parallèlement notre instinct paresseux ayant un caractère stérile et contreproductif a généré avec beaucoup plus d’intensité un débat idéologisant, en lieu et place de vraies discussions dans la recherche d’un consensus minimal concernant les stratégies à adopter pour doter le pays d’un projet de developpement durable articulant le developpement social et la création de richesse. Le Président Préval, au début de son mandat, avait lancé l’idée d’un projet national de 25 ans. Malheureusement aucune réaction ne s’en suivit tant au niveau du Gouvernement qu’au niveau de la Société Civile. En ce sens, nous avions tenté d’initier un débat en publiant dans le Journal « Le Matin » du 7 & 8 mai 2007 un document sur le développement de la Corée du Sud, connu comme le miracle du 20ème siècle, réalisé à partir d’une stratégie de développement s’étendant sur une période de 35 ans, basé sur 7 plans quinquennaux successifs. Les questions de fonds qui ont rapport avec le développement réel du pays sont passées aux oubliettes du Bla Bla Bla idéologique. Il n’existe plus de place pour des positions nuancées pouvant contribuer à la formulation d’articulations productives et pouvant démontrer le succès d’expériences exemplaires.

Aujourd’hui le débat se réduit à une vision manichéenne : qui sont pour ou contre la globalisation ?, à tel point que la ratification de la nouvelle équipe gouvernementale est conditionnée au rejet de l’application de la politique néolibérale, considérée exclusivement comme responsable de tous les maux qui nous affectent actuellement. En ce sens on se réfère toujours aux mesures libérales pour expliquer l’acuité de la crise actuelle. D’autres facteurs tels que stabilité politique, protection des investissements, bonne gouvernance etc., indispensables à tout projet de developpement sont passés aux oubliettes de la tergiversation idéologique. Le développement est fonction d’un ensemble de signes concrets. Pour parodier Pierre Leger dans ses multiples interventions durant ces dernières semaines : Pas de ports, pas d’aéroports, pas de routes, pas de développement. En plus depuis 1986 nous n’avions jamais eu la chance d’assister à la consolidation d’un programme économique qui nous donnerait l’occasion d’évaluer ses résultats. En République Dominicaine les mesures de libéralisation ont été suivies d’une stratégie pour développer le tourisme et certains secteurs de l’agriculture. Aujourd’hui c’est un pays avec plus de 60000 chambres d’hôtel et qui veut se positionner comme le grenier de la production agricole dans la Caraïbe. Compétition oblige, principe de l’avantage comparatif du commerce international.

Certains peut-être vont me taxer d’être un adepte du néolibéralisme. Pour être néolibéral, on doit renoncer à l’idée que l’état a un rôle important à jouer dans le developpement économique et social et que tout doit se réguler à travers les aléas du marché. Nous croyons que l’état constitue le principal instrument pouvant garantir la justice sociale, promouvoir l’équité, fixer les règles du jeu pour que las marchés fonctionnent de manière compétitive et combattre le monopole. Dans un pays pauvre comme Haïti, l’état doit inévitablement combattre la pauvreté par la création de richesse et la réduction des inégalités. Pas de developpement social, sans croissance économique.

Je ne suis ni un adepte de la conception anti néolibérale typique du modèle populiste qui a prédominé dans beaucoup de pays de l’Amérique Latine, ni non plus du néolibéralisme tel que vu par les talibans du marché. Les premiers veulent cacher le soleil avec leurs mains en niant la réalité de Globalisation. Les seconds veulent imposer un cadre idéologique et politique à travers le Consensus de Washington, dépassé, échoué.

S’insérer dans la Globalisation ?

La globalisation constitue les données du monde contemporain et s’impose comme un fait incontournable dans les relations internationales. Qu’on l’aime ou pas, on doit s’adapter et savoir la tourner à notre avantage, comme l’a dit Marc Bazin dans son article dans le Nouvelliste du 10 au 11 mai 2008 :« 2008-2011, une feuille de route »

Pour qu’Haïti puisse s’insérer durablement dans la Globalisation il implique de reléguer à l’histoire les discours messianiques et les schémas populistes quel qu’en soit le promoteur, et aborder avec pragmatisme et flexibilité les quatre points suivants:

A- L’investissement direct étranger :

L’investissement direct étranger ( IDE ) constitue l’activité à travers laquelle un résident étranger à travers son capital obtient à long terme un intérêt ou une participation dans la gestion d’une entreprise dans un autre pays. L’épargne nationale est totalement insuffisante, l’ IDE constitue la seule planche de salut pour financer la relance des activités productives. Son succès dépend de la mise en place d’un réseau d’institutions spécialisées et d’une diplomatie technique, dynamique orientée marketing.

Dans ce cadre j’estime important la réorientation de la mission du Centre de Facilitation des Investissement ( CFI ) : ajouter de nouvelles missions de promotion et de protection à celle de facilitation et augmenter son budget pour qu’il puisse refléter les enjeux de sa mission. Aussi s’avère-t-il important la création d’une institution responsable du Marketing du pays à l’extérieur à l’image d’une institution comme « Imagen Pais » au Chili dirigé, par l’ancien représentant de la MINHUSTA en Haïti, Juan Gabriel Valdez.

B- La stabilité politique :

Dans le cadre de la globalisation, la stabilité politique est une condition essentielle pour promouvoir le développement économique et social, attirer les capitaux étrangers et protéger les investissements. Aujourd’hui le dilemme pour certains gouvernements de gauche consiste à faire le choix entre d’une part la démocratie et la modernité, et d’autre part le populisme autoritaire de type messianique. Par exemple certains gouvernements de gauche du Brésil et du Chili ont appris les leçons de l’expérience de la guerre froide en osant de combiner le marché avec l’intervention étatique à travers des mesures de developpement social.

La stabilité politique constitue le reflet global de l’image d’un pays dans le contexte économique international. Elle est fonction des indicateurs suivants : Paix sociale, qualité des institutions, sécurité juridique, bonne gouvernance, démocratie etc.

C- L’ouverture économique :

C’est un processus à travers lequel une économie s’ajuste aux réalités du marché, aux transformations commerciales et aux technologiques mondiales. Ce n’est en aucun cas une panacée pour l’efficacité économique. Elle doit être prise en fonction des réalités économiques. Par exemple l’échec de plusieurs rondes commerciales au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce ( OMC ) est du au refus de l’Union Européenne et des Etats-Unis de libéraliser leur agriculture. En Irlande, le récent rejet du traité de Lisbonne s'est nourri des craintes des agriculteurs qui jugeaient, que leur production de viande et de lait, était menacée, faute de protections douanières suffisantes face aux Argentins. Toutefois le protectionnisme a ses limites.

L’ouverture économique est un facteur clé de la Globalisation. L’économie chinoise s’est affirmée à partir du long mouvement de reformes initié en 1978 pour libéraliser certains secteurs de l’économie. La Corée du Sud s’est propulsée au 13ème rang de l’économie mondiale grâce à une stratégie de croissance orientée vers l’exportation, tandis que la tendance durant les décades 60 et 70 était au modèle de substitution par l’importation. Force est de reconnaître qu’il existe une grande corrélation entre création de richesse et ouverture économique. Il implique à l’Etat Haïtien de définir un cadre stratégique pour identifier ses forces et faiblesses et tirer le meilleur parti de la libéralisation des échanges mondiaux.

D- Le renforcement du Capital Humain

L’humain doit être la cible de tout processus de développement. Le capital

Humain est l’un des actifs les plus importants dont dispose un pays pour être compétitif au niveau de l’économie mondial. L’instauration d’un environnement favorable à l’investissement priorise la qualité et la formation du capital humain.

La qualité du capital humain est indispensable pour s’insérer durablement dans la Globalisation. Ce renforcement passe à travers une augmentation substantielle des ressources publiques à l’éducation, la santé, pour que les plus pauvres puissent bénéficier des fruits de la croissance. La vulgarisation des nouvelles technologies de communication à travers le programme international « one laptop per Child » pourrait constituer une excellente opportunité pour renforcer l’intégration de notre jeunesse.


Jean Garry Denis
M. Sc. Eco.
Rubrique: Conseils Emploi
Auteur: Jean Garry Denis | dgarry50@yahoo.fr
Date: 10 Nov 2010
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