Intelligence d’affaires ou diplomatie d’affaires ?de Thomas Lalime| JobPaw.com

Intelligence d’affaires ou diplomatie d’affaires ?


Notre usage de la technologie produit des données qui sont utilisées par les entreprises pour élaborer leur offre de produits. La disponibilité de ces données massives et souvent peu structurées présente de nombreux défis aux statisticiens qui en ont profité pour inventer de nouvelles méthodes de traitement. Ainsi est née une nouvelle discipline : l’intelligence d’affaires.

Jean-François Plante, statisticien et professeur à l’école des Hautes études commerciales (HEC) de Montréal, a présenté, lors du congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir le 6 mai 2013, une collection d'exemples illustrant les pratiques courantes en intelligence d’affaires.

L’un des cas qui a retenu l’attention est celui de la firme Target qui a prédit la grossesse d’une adolescente aux États-Unis bien avant que ses parents ne soient au courant. Comment ? Target a commencé par envoyer des promotions d’articles pour bébés à la jeune fille. Son père, outré, ne savait même pas encore qu’elle était enceinte. Quelle justesse de prévision, faite à partir de simples données de consommation !

Selon l’encyclopédie libre Wikipédia, l’intelligence d’affaires est un ensemble de théories, de méthodologies, de procédés, d’architectures et de technologies qui transforment les données brutes en information significative et utile aux entreprises et aux dirigeants politiques. En effet, l’évolution des sources et des technologies de stockage de l’information et la démocratisation des données entraînent depuis quelques années à travers le monde une augmentation exponentielle du volume de données utiles à la recherche et à la prise de décision rationnelle et optimale dans tous les domaines. De la médecine aux affaires, en passant par la diplomatie.

Chaque geste posé au cours d’une journée dans la vie d’un consommateur, d’un investisseur et d’un dirigeant politique peut conduire à un exercice de collecte de données par les entreprises et les autorités étatiques. Et ce, même lorsqu’on est immobilisé dans un embouteillage, puisqu’à partir de son téléphone cellulaire, les entreprises spécialisées peuvent collecter des données. Même si on ne parle pas au téléphone en conduisant, on laisse souvent l’appareil allumé. Il se connectera alors à différentes tours de communication. Aujourd’hui, le téléphone s’apparente à un bracelet électronique pour les grandes entreprises et les services d’intelligence des États.

Le comportement d’un agent économique, de la population en général, au quotidien, fournit de l’information utile à la prise de décision intelligente. Par exemple, à l’échelle internationale, rien qu’en consultant sur Google Tendances du jour, on peut avoir une idée des grandes tendances de l’actualité du jour ou d’une semaine. Et ces tendances peuvent générer des opportunités d’affaires ou suggérer aux autorités publiques des mesures à envisager.

Ce « déluge de données », pour reprendre une expression de la revue The Economist, soulève de nombreux débats touchant plusieurs enjeux : le développement des méthodes statistiques pour exploiter pleinement les données disponibles; la protection de la confidentialité des informations personnelles; la qualité des données provenant de nouvelles sources ou de nouveaux modes de collecte; le besoin de documenter les problématiques émergentes à la frontière de plusieurs disciplines et la transformation des modes d’interaction entre les différents acteurs du monde de la recherche. Les producteurs de données, les chercheurs, les dirigeants, les analystes et les concepteurs de politiques publiques sont les plus concernés.

Pour revenir aux cellulaires, ils ont l’avantage d’être associés au même individu ou à un même ménage. Même avec des données anonymes, on peut alors détecter où vous demeurez et où vous travaillez, puisque vous téléphonez le plus souvent de la maison et du travail. À partir de cette information, on peut vous classer dans un segment de consommateurs selon votre usage du cellulaire. On peut également détecter vos préférences et vos besoins. Tant en termes de consommation, de loisir qu'en termes d’investissement.

D’autre part, grâce aux cartes de fidélisation, le consommateur peut obtenir des rabais et des primes. Mais parallèlement, le commerçant peut en profiter pour collecter des données qui serviront à prédire les achats futurs du client. Ces cartes constituent pour l’entreprise une façon intelligente de réclamer l’autorisation du client pour utiliser ses données personnelles.

Même sans programme de fidélisation, on peut analyser les articles que les clients ont tendance à acheter régulièrement. Des algorithmes ont été développés pour détecter les règles d’association appropriées. Évidemment, avec le programme de fidélisation, on peut faire parvenir directement au client les offres attrayantes.

Un autre exemple très connu de l’intelligence d’affaires est l’expérience de la société de location de DVD par correspondance Netflix qui a été poursuivie par une organisation lesbienne qui reprochait à l’entreprise de n’avoir pas pris assez de mesures pour protéger la confidentialité des utilisatrices. En effet, certaines données publiées par Netflix, couplées avec les renseignements disponibles sur Internet, ont permis à d’autres entreprises d’identifier le profil de certains de ses utilisateurs et utilisatrices. Ce, malgré l’anonymat des informations diffusées.

Ces exemples permettent d’élucider l’importance de la statistique et du traitement de l’information dans la quête des investissements directs étrangers nécessaires au développement national. Les investisseurs étrangers ne viendront pas en Haïti du jour au lendemain sans attraction locale. Il faudra les dénicher là où ils se trouvent et les convaincre qu’Haïti est prête à les offrir les meilleures opportunités qui soient.

Avec les techniques de l’intelligence d’affaires, on pourrait créer une base de données avec les profils d’entrepreneurs qui investissent dans la Caraïbe, particulièrement en République dominicaine pour leur offrir des opportunités d’affaires qui compléteraient leur plan d’affaires en république voisine.

À ce titre, on peut citer la politique récente du « visa en or » instituée par de nombreux pays européens afin de dénicher des investisseurs étrangers. Ces pays offrent un visa de résidence en moins d’un mois à toute personne désireuse d’investir un montant donné dans le pays. Le seuil va de 72 000 euros en Estonie à 500 000 euros au Portugal, d’un million en Allemagne à 10 millions d’euros en France. La concurrence est de taille. Les riches chinois apprécient tout particulièrement cette porte ouverte sur l’Europe. Ils en profitent pour diversifier leurs investissements et garantir des vacances loin de la pollution des grandes villes chinoises.

Le Centre de facilitation des investissements devrait disposer d’une cellule d’intelligence d’affaires pour repérer les investisseurs potentiels de partout. De même, au plus haut niveau, l’État devrait disposer de son centre d’intelligence d’affaires pour anticiper les grandes orientations stratégiques internationales. Les outils technologiques pourront alors jouer un rôle crucial. En clair, Haïti a besoin de l’intelligence d’affaires là où le Premier ministre sortant parlait de diplomatie d’affaires sans pourtant en préciser le contenu.












Rubrique: TIC
Auteur: Thomas Lalime | thomaslalime@yahoo.fr
Date: 24 Dec 2014
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