Mentorat vs Diasporade Ronald Estrade| JobPaw.com

Mentorat vs Diaspora


Et si mon mentor, venait de la diaspora?
Depuis mon jeune âge, j’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’amis plus âgés que moi. Cela m’a permis de ne pas tomber dans bien des pièges, de faire partie d’un bon réseau de professionnels, de m’améliorer constamment et de profiter de leurs conseils. Ces mentors, je les appelais alors mes conseillers. Au cours de l’année académique 1976-1977, j’étais en deuxième année à l’École Nationale des Arts et Métiers (Salésiens) dans la section électromécanique. De cette formation professionnelle, j’ai appris très tôt l’amour du travail bien fait. À ce moment, j’étais dans ma quinzième année et je commençais à m’intéresser aux filles. Comme cela se faisait au paravent, il fallait écrire pour déclarer son amour. Les cours de français de mon institution étaient de base et la littérature n’était pas au menu. Pour remédier à ma situation, il me fallait de l’aide.

Mon premier mentor était un étudiant de terminale et comme je voulais m’améliorer dans ma communication écrite avec le sexe opposé, il me fallait trouver un professionnel. Donc, il était tout à fait normal de m’adresser à lui compte tenu de son niveau de finissant de l’école secondaire et de son statut de gentleman aguerri. Cela a été bien profitable car en peu de temps j’étais rendu un as dans l’écriture des lettres d’amour et des acrostiches. Atout fort important pour les jeunes de mon âge à cette époque. Avec son aide, j’ai de plus, augmenté ma passion pour les littératures et les belles lettres en général. N’étant pas un grand sportif, je passais comme d’autres jeunes dans mon cas, tous mes samedis à l’institut « français » situé au Bicentenaire pour aiguiser ma passion des livres. Habitude qui fut profitable quand j’intégrai par la suite le réseau des écoles classiques.

Durant les vacances d’été de la classe de rhéto. J’ai travaillé comme électricien de maintenance dans une usine, mais comme je voulais finir mes études classiques, j’ai lâché ce boulot. Avant même d’intégrer le réseau de l’Université d’État d’Haïti, j’ai obtenu une charge d’enseignement en électricité. Sans balises, sans l’aide d’un professionnel, j’étais livré à moi-même mais j’aimais ce travail. Toutefois, après le baccalauréat de deuxième partie, au lieu de l’école normale supérieure, je me suis dirigé vers l’ingénierie et j’ai savouré amèrement ce choix jusqu’au moment de mon départ du pays. Après toute sorte de péripéties, je suis parvenu à une qualification en technologie de l’ingénierie et je suis revenu à mes premiers amours dans l’enseignement par un heureux hasard.

Mon deuxième mentor, je l’ai eu peu de temps après mon emploi comme enseignant en électromécanique au Centre de Formation Professionnelle (CFP) Saint-Henri. Dans le quartier Sud-ouest de Montréal. À ce moment, j’avais la charge d’une classe et je voulais un point de vue d’expert au niveau de ma gestion de classe. Il est venu, a assisté pendant une heure à ma classe et m’a donnée des conseils salutaires. Et c’est à ce moment que j’ai réalisé la complexité du métier d’enseignant.

Bien des années plus tard, enseignants titulaire au CFP Pierre-Dupuy, à Longueuil, j’ai eu à superviser un aspirant enseignant qui finissait son baccalauréat dans la formation professionnelle. Il est venu dans ma classe, a assisté à deux heures de prestation et nous avons discuté par la suite durant la pause. Il m’a questionné sur les stratégies utilisées et sur les formules pédagogiques gagnantes au niveau de la formation professionnelle. Il voulait trouver une formule pédagogique qui répondait à la fois aux besoins de ses futurs élèves et à la particularité d’un apprentissage en électronique de base. Nos échanges furent passionnels et la petite pause est passée en un rien de temps.

La diaspora haïtienne a énormément investi dans le bien-être financier de ses compatriotes. Leur contribution annuelle est chiffrée de « 300 à 600 millions de dollars US » (Bilan commun de pays, p. 12). Ce qui est plus que louable. Toutefois, je pense qu’avec des incitatifs bien ciblés, il est possible d’avoir une partie de leur contribution expérientielle. En effet, nous avons au niveau des haïtiens vivant à l’étranger des experts de plusieurs niveaux qui peuvent non seulement servir de modèle mais contribuer comme mentor pour l’amélioration de la société haïtienne. Il suffit de disséquer leurs interventions en de petites tâches dans le temps. Périodes d’une semaine à trois mois. Ce qui leur permettra de garder leur emploi tout en intervenant partiellement au pays. Comme le dit si bien monsieur Waddle dans son article du 9 août 2009 (Comment stimuler la création d’emploi en Haïti?), « une étude récente de la Banque mondiale a prouvé que Haïti a l’un des taux de migrants très éduqués les plus élevés au monde ». De l’autre côté, nous savons que « la moitié de la population du pays a moins de 20 ans et 40% ont moins de 15 ans. Quel est l’avenir de cette jeunesse? » (Bilan commun de pays, 2000, p. xiv). Donc il faudrait trouver un moyen pour mettre en place un système de jumelage entre les haïtiens au pays et ceux vivants en terres étrangères.

Dans le secteur de l’éducation et de la formation professionnelle, nous avons au Québec, un système de mentorat avec les Universités et les Commissions scolaires qui a grandement fait ses preuves depuis ces dernières années. Avec le vieillissement de la population, plusieurs spécialistes en emploi, même dans le secteur privé, adoptent cette formule pour ne pas subir les contres coups d’un manque d’expertise dû au départ à la retraite des baby-boomers. Car au-delà des écrits, il y a les pratiques individuelles qui si elles ne sont pas transférées peuvent conduire au chaos dans le milieu de l’emploi.

Quand, à mon cher pays natal, je ne suis pas au courant de ce qui se fait au niveau du jumelage (mentorat) des employés expérimentés avec les moins expérimentés. Mais je sais qu’au niveau de la formation professionnelle, l’apport des mentors est incontournable. En effet, la réforme du Plan National d’Éducation et de Formation (1993) en cours prévoit le passage vers une nouvelle approche méthodologique. « De plus, l’approche méthodologique passe de la pédagogie par objectif à l’approche par compétence » (Le développement de l’éducation, 2004, p. 11). Or quand on a pris l’habitude d’enseigner par objectif depuis des années, cibler des compétences n’est pas si facilement accessible au niveau des métiers. Il faut transformer sa vision, modifier ses plans de cours, ses plans de leçon et communiquer sa passion du métier différemment. C’est un secteur à mon humble avis qui nécessiterait un jumelage entre les enseignants de la terre natale et de la diaspora. Car l’approche par compétences actuellement en implantation, a fait ses preuves dans plusieurs autres pays de la francophonie. Elle vise à offrir des formations de qualité, accessibles, polyvalentes et adaptées à la réalité du marché du travail. Donc la réforme actuelle est méritoire et doit être soutenue par tout en chacun.

Le plus grand dilemme dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres c’est l’absence de leadership, d’une manque de vision ou d’une manque de collaboration outre frontière. Car je suis persuadé, que les haïtiens d’outre mer seraient heureux de participer à un jumelage avec leurs pairs moyennant une structure bien établie pour favoriser la progression de leurs compatriotes.

À la prochaine.


Références bibliographiques :

Gouvernement haïtien et le Système des Nations Unies (2000). Bilan commun de pays. Bibliothèque Nationale d’Haïti p. xiv, 12.
Waddle, R. (2009). Comment stimuler la création d’emploi en Haïti?. JobPaw, Rubrique Éducation.
République d’Haïti. Ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports. (2004). Le développement de l’éducation, Rapport national d’Haïti. p. 11.


Rubrique: Education
Auteur: Ronald Estrade | restrade@hotmail.com
Date: 26 Aout 2009
Liste complète des mémoires et travaux de recherche